Voir Paris et Jules Durand

Voir une analyse des événements liés à Jules Durand qui se sont produits dans les différents lieux de Paris au moment de l'affaire à la rubrique

 

"+Histoire et Lettres de Jules Durand", sous-rubrique "Paris et Jules Durand".

 

Dans les années 1910, Paris n’est pas resté indifférent à la cause de Jules Durand, de nombreux parisiens l’ont défendue.

 

Cent ans plus tard, il est normal et bienvenu que Paris consacre un petit square à Jules Durand pour continuer à défendre cette cause, pour se souvenir de ceux qui se sont engagés pour la  défendre et surtout pour honorer et réhabiliter Jules Durand, victime d’un crime social et judiciaire.

Une contribution solide et détaillée de Christiane Marzelier, novembre 2017


Article dans "La Page du 14e"


 

Chronique parisienne

de l'affaire Durand *

 

 

La Cour de Cassation qui cassera en 1912 l'arrêt de la Cour d'Assises de condamnation à mort et innocentera Jules Durand en 1918.
La Cour de Cassation qui cassera en 1912 l'arrêt de la Cour d'Assises de condamnation à mort et innocentera Jules Durand en 1918.
La Grand Chambre de la Cour de Cassation réhabilitant Alfred Dreyfus en 1906
La Grand Chambre de la Cour de Cassation réhabilitant Alfred Dreyfus en 1906

 

 

Juste après la condamnation à mort du syndicaliste Jules Durand, par la Cour d’Assises de Rouen le 25 novembre 1910, Jean Jaurès prit la tête de la campagne nationale pour la révision du procès.

Ainsi, à la Une de l’Humanité, Jaurès proteste avec véhémence contre ce verdict, symbole de cette justice de classe qu’il combat. Dans les colonnes du journal, dont il est le rédacteur, de nombreux intellectuels de l’époque prennent fait et cause pour l’innocent Durand. Nombreux sont les observateurs à faire le parallèle avec l’injuste condamnation du capitaine Dreyfus en qualifiant le procès de ce syndicaliste d’« affaire Dreyfus du pauvre ».

 

MOBILISATION NATIONALE

En Normandie, comme à Paris, l’émotion est vive, à l’énoncé du verdict de peine capitale, d’autant que les journaux nationaux avaient dépêché leurs rédacteurs au procès de Rouen (Paris-Journal, Le Temps, Les Débats, Le Gaulois, l’Humanité). A la CGT, Léon Jouhaux secrétaire du Comité Central adresse aux bourses du travail un appel à la mobilisation pour la révision du procès Durand. De nombreux meetings et grèves de solidarité sont organisés à Paris comme dans de nombreuses villes de province.   

Francis de Préssensé, président de La Ligue des Droits de l’Homme, appelle depuis le siège parisien,  toutes les sections à se mobiliser.  La SFIO en fait de même, les grandes Loges suivent le mouvement.

Des mouvements de solidarité naissent à l’étranger, comme à Londres, à Chicago, à Anvers, à Rome, à Sidney, à Barcelone… où les mouvements ouvriers tiennent à apporter leur soutien au camarade Durand.

 

LES PARLEMENTAIRES SE FONT ENTENDRE

Jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, l’affaire Durand fait l’objet de débats. Sous l’impulsion du député radical Paul Meunier, la requête en grâce en faveur de Durand est signée par 200 députés et adressée au président Fallières. Dans toutes la France, se créent des comités de défense réclamant la révision du procès.


DEMISSION ET PROTESTATION AU CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE PARIS

Le 26 décembre 1910, le secrétaire du syndicat de l’Alimentation démissionne de ses fonctions de conseiller prud’hommes considérant qu’ « en tant que magistrat, il refusait de cautionner les membres de la Cour ayant condamné Durand » ; Tous les conseillers parisiens signent parallèlement une protestation solennelle adressée au Président de la République en envisageant un cortège vers l’Elysée.

 

L’AVOCAT RENE COTY EST RECU A L’ELYSEE

Le 31 décembre 1910, le jeune avocat de Jules Durand, René Coty (29 ans), accompagné de M. Genestal, Maire du Havre, est reçu en audience, à l’Elysée, par Armand Fallières, Président de la République, qui décide immédiatement une grâce partielle, la peine de Durand étant commuée en sept ans de travaux forcés.

 

LA CAMPAGNE POUR LA REVISON DU PROCES SE POURSUIT A L’ASSEMBLEE NATIONALE

Alors que la Chancellerie a lancé une contre-enquête qui révèlera assez vite certains faux-témoignages, le député, Paul Meunier dépose, le 10 février 1911, une question orale à la Chambre des Députés. Il demande les suites qu’entend donner le Garde des Sceaux à la seconde demande en grâce déposée par Jules Durand. Les débats sont très tendus à l’Assemblée, les cicatrices politiques laissées par l’Affaire Dreyfus ne sont pas toutes refermées, le député radical Meunier soutenu par toute la Gauche insiste et demande au Garde des Sceaux, Théodore Girard, de répondre à son droit d’interpellation. Finalement, le Président du Conseil Aristide Briand parvient à contrer habilement cette initiative.

 

LES PSYCHIATRES PARISIENS SE DIVISENT SUR L’ETAT MENTAL DE DURAND

La maladie mentale de Durand constitue un nouvel obstacle à la révision car le cas d’aliénation du demandeur n’est nullement prévu par la loi pénale. La Commission de révision ordonne alors une nouvelle expertise sur son état mental. Une bataille d’expert commence, Jules Durand est transféré en septembre 1911 à l’asile Sainte-Anne à Paris, pour être à nouveau examiné par les experts psychiatres les plus réputés, les Docteurs Juglier, Magnan, Vallon et Dupré.

 

LA CONDAMNATION DE DURAND EST ANNULEE

Sur la base du rapport du conseiller Herbeaux, rétablissant la vérité et reconnaissant les erreurs commises au cours de l’instruction, la Cour de Cassation annule l’arrêt de la Cour d’Assises de Rouen. Il s’agit d’une victoire de taille pour les défenseurs de Durand.

 

UNE LOI DE CIRCONSTANCES

Si la condamnation à mort est annulée, l’innocence de Durand n’est toujours pas reconnue ! Un vide juridique empêche la tenue d’un nouveau procès. Aussi, le 19 juillet 1917, la Chambre des Députés adopte un projet de loi visant à modifier le Code d’Instruction Criminelle afin de pouvoir rejuger un accusé ayant perdu la raison.

 

JULES DURAND DEFINITIVEMENT INNOCENTE

Le 15 juin 1918, la Cour de Cassation acquitte définitivement Jules Durand, sans que ce dernier, toujours enfermé à l’asile et soumis au régime des indigents, ne profite de cette réhabilitation tardive ;

 

Sources : Alain Scoff : « Un nommé Durand » 1984 / Archives nationales et départementales  / L'Humanité 1910

* Cette chronique a été transmise à la Mairie de Paris le 25 septembre 2013 avec notre requête visant à ce qu'une rue de la capitale soit baptisée "Jules Durand".        Les Amis de Jules Durand