PROCÈS DURAND


LES PRÉSIDENTS


 (Léna Barka, Capucine Lazaro et Kim-Claire N'Guyen)


 

-          Mesdames et Messieurs, vous pouvez vous asseoir.

 

-          L’audience de la Cour d’Assises de Seine Inférieure est ouverte, veuillez-vous asseoir. Gardes, faites entrer les accusés.

 

-          Je rappelle que cette audience se tient suite à l’appel formé par Maître René Coty, avocat de Jules Durand, contre l’arrêt de la Cour d’Assisses de Rouen du 25 novembre 1910 ayant prononcé la condamnation à mort de son client.

 

-          Je vais donc faire l’appel des jurés.

« Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre Messieurs Mathieu, Lefrançois, Boyer et Durand, de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions. »

 

Mesdames et Messieurs les jurés, à l’appel de votre nom, vous vous lèverez et, en levant la main droite, vous direz solennellement « Je le jure ».

[…]

*LALLEMAND Ernest   *RICOUART Ernest   *LAMBERT Florentin   *MONTHAYE Gaston   *BOISGIRARD Jules   *DEBRAY Paul   *OFFROY Robert   *CAMPION Félix   *CANDIOU Julien   *DELAMARES Jules   *BAUDERE Louis   *ABSIRE Adrien

 

-          Merci Mesdames et Messieurs, je vais maintenant faire lecture de l’ordonnance de mise en accusation :

« Attendu qu’il résulte de l’information des charges suffisantes à l’encontre de Jules Durand, Louis et Ernest Boyer, Edmond Mathieu et Charles Lefrançois d’avoir à LE HAVRE le 9 septembre 1910 volontairement inciter à commettre des violences, et commis des violences préméditées, ayant entraîner la mort de Louis Dongé.

Faits prévus et réprimés par les articles 221-1 ; 221-3 ; 121-7 ; 222-17, du Code Pénal.

Qualification juridique : Assassinat et complicité d’assassinat.

Par ces motifs : Ordonnons mise en accusation de Messieurs Jules DURAND, Louis et Ernest BOYER, Edmond MATHIEU et Charles LEFRANCOIS devant la Cour d’Assises de Seine Inférieure du chef ci-dessus mentionnés. »

 

-          Nous allons maintenant procéder à l’appel des prévenus :

« Durand, levez-vous. Pouvez-vous rappeler votre identité : date et lieu de naissance, adresse et profession. […] Merci Monsieur Durand, vous pouvez vous rasseoir. »

« Mathieu, levez-vous. Pouvez-vous rappeler votre identité : date et lieu de naissance, adresse et profession. […] Merci Monsieur Mathieu, vous pouvez vous rasseoir. »

« Lefrançois, levez-vous. Pouvez-vous rappeler votre identité : date et lieu de naissance, adresse et profession. […] Merci Monsieur Lefrançois, vous pouvez vous rasseoir. »

 

La Cour constate l’absence des accusés Ernest et Louis Boyer, qui ont refusé de sortir de leur cellule.

 

-          Vérifions maintenant si tous les témoins cités sont présents :

Monsieur Ducrot, directeur de la Compagnie Générale Transatlantique…..

Monsieur le Commissaire Henry, chef de la Sûreté du Havre…..

Monsieur Duval, ouvrier charbonnier……

Monsieur Hauchecorne, ouvrier charbonnier……

Monsieur Morel, ouvrier charbonnier……

Monsieur Duteurtre, expert ayant procédé aux enquêtes de personnalité……

Monsieur Corneille Geeroms, secrétaire de l’union locale Cgt du Havre…….

 

-          Nous allons donc commencer l’Instruction.

J’appelle M. Durand, ouvrier charbonnier. Veuillez vous lever.

Ø   Reconnaissez-vous, Monsieur Durand, avoir fait voter, lors d’une assemblée générale, la mort du chef de bordée Monsieur Louis Dongé ?

                      […]

Ø  Plusieurs témoins vous ont entendu scander : « Il faut supprimer Dongé ». Qu’entendiez-vous par « supprimer » ?

Ø  Etiez-vous au courant d’une quelconque action menée à l’encontre de Monsieur Dongé ce 9 septembre 1910, dans le but de supprimer celui-ci ?

Ø  Monsieur Durand, vous n’avez pas le profil de l’assassin, et de plus vous n’avez aucun antécédent. Mais comment se fait-il que vous, jeune homme dont l’instruction permettait d’aspirer à un métier plus gratifiant que celui de charbonnier, ayez choisi de vous engager dans cette voie ?

Merci, vous pouvez vous rasseoir.

 

J’appelle M. Mathieu, ouvrier charbonnier. Veuillez vous lever.

Ø  Reconnaissez-vous, Monsieur Mathieu, avoir volontairement frappé, à plusieurs reprises, Monsieur Dongé ce 9 septembre 1910 ?

Ø  Aviez-vous prévu, vous et votre camarade, d’infliger ces coups à Monsieur Dongé ce soir précis et saviez-vous que la victime se présenterait en ces lieux ?

Ø  Quelqu’un vous aurait-il incité ou demandé de commettre ce crime ?

Ø  Confirmez-vous avoir été menacés par un revolver que Monsieur Dongé aurait eu en sa possession ce soir-là ?

Merci, vous pouvez vous rasseoir.

 

 

J’appelle M. Lefrançois, ouvrier charbonnier. Veuillez vous lever.

Ø  Reconnaissez-vous, Monsieur Lefrançois, avoir porté de nombreux coups à Monsieur Dongé jusqu’à ce que mort s’en suive ce 9 septembre 1910 ?

Ø  Que faisiez-vous avec votre camarade Monsieur Mathieu sur les quais ce soir-là ?

Ø  Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment s’est déroulé votre rencontre avec Monsieur Dongé ?

Ø  Confirmez-vous, Monsieur Lefrançois, les propos tenus par votre camarde M. Mathieu, relatant que l’affrontement physique a commencé après que Monsieur Dongé vous ait tous deux menacé avec un revolver qu’il avait en sa possession ce soir-là ?

Merci, vous pouvez vous rasseoir.

 

 

J’appelle à la barre Madame Dongé, veuve.

« Madame, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Madame Dongé, votre mari était selon plusieurs sources « une brute alcoolique » et vous avait abandonné vous et vos enfants. Confirmez-vous ces propos ?

Ø  Avez-vous une idée de ce que pouvait faire votre mari seul sur les Quais ce soir-là ?

Ø  Votre mari s’était procuré un revolver qu’il avait exhibé le jour-même. L’aviez-vous déjà vu en sa possession ou connaissiez-vous l'existence de cet objet ?

Ø  Etiez-vous au courant que votre mari était un « mouchard » au sein du Syndicat des charbonniers ?

Merci, vous pouvez disposer.

 

 

J’appelle à la barre M. Ducrot, agent général de la Compagnie Transatlantique du Havre.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Bien, Monsieur Ducrot, vous êtes l'agent général de la Compagnie Générale Transatlantique du Havre et M. Durand, l’un de vos employés. Avez-vous des plaintes ou des remarques concernant son attitude professionnelle ?

Ø  Que pensez-vous du rôle de M. Durand à la tête du Syndicat des charbonniers ?

Ø  Avez-vous déjà eu un quelconque différend personnel avec Monsieur Durand ?

Ø  Monsieur Ducrot, le rejet par la C.G.T, le 17 août 1910, des revendications auxquelles, je cite : « il n’a pas été possible de donner suite », a entraîné une grève paralysant le port. Celle-ci, ce n’est un secret pour personne, a fait perdre énormément d’argent à la Compagnie. J’imagine que des employés tels que Durand et ses camarades ne vous ont pas facilités les choses, bien au contraire… Pouvez-vous confirmer cela ?

Ø  Dernier question, M. Ducrot, la victime possédait un revolver le soir du meurtre. Au cours de l’enquête de police, il a été prouvé que cette arme n’appartenait pas à Louis Dongé, mais qu’elle lui avait été donnée par un dénommé Leblond Théophile, charbonnier et ami de la victime, employé de la C.G.T et beau-frère d’Eugène Foucques, contremaître de la même compagnie. Etiez-vous au courant de la mise en circulation de cet objet entre les mains de vos employés ?

Ø  M. Leblond et Foucques sont deux témoins à charge ayant accusés Durand et les frères Boyer d’être les investigateurs du meurtre. Comment expliquez-vous cela ?

Merci ce sera tout, vous pouvez disposer.

 

 

J’appelle à la barre M. Louis Hauchecorne, ouvrier charbonnier.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Monsieur Hauchecorne, faites-vous parti du Syndicat des charbonniers ordonné par Monsieur Jules Durand ?

Ø  Vous adhériez donc aux revendications de celui-ci ?

Ø  Lors de la dernière assemblée générale du Syndicat, suite à la décision de « supprimer » du syndicat le chef de bordée Monsieur Louis Dongé, avez-vous entendu quelque propos qui pourrait montrer qu’il s’agissait en réalité de le tuer ?

Ø  Avez-vous des exemples concrets qui feraient de Monsieur Durand un homme prédisposé à la violence ?

Ø  Nous connaissons maintenant tous l’existence de « mouchards » sur le port et plus particulièrement au sein du Syndicat des charbonniers, êtes-vous l’un des leurs ?

Merci M. Hauchecorne, vous pouvez disposer.

 

J’appelle à la barre M. Louis Duval, ouvrier charbonnier.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Monsieur Duval, faites-vous parti du Syndicat des charbonniers ordonné par Monsieur Jules Durand ?

Ø  Vous adhériez donc aux revendications de celui-ci ?

Ø  Lors de la dernière assemblée générale du Syndicat, suite à la décision de « supprimer » du syndicat le chef de bordée Monsieur Louis Dongé, avez-vous entendu quelque propos qui pourrait montrer qu’il s’agissait en réalité de le tuer ?

Ø  Avez-vous des exemples concrets qui feraient de Monsieur Durand un homme prédisposé à la violence ?

Ø  Nous connaissons maintenant tous l’existence de « mouchards » sur le port et plus particulièrement au sein du Syndicat des charbonniers, êtes-vous l’un des leurs ?

Merci M. Duval, vous pouvez disposer.

 

 

J’appelle à la barre M. Geeroms, secrétaire de l’Union des Syndicats du Havre et de la Région.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Confirmez-vous, Monsieur Geeroms, avoir été présent, le lendemain du crime, chez Monsieur le Maire avec Monsieur Durand lorsque celui-ci aurait, d’après l’accusé, tout juste appris les événements qui se sont déroulés la veille ?

Ø  Comment Monsieur Durand a-t-il réagi quand on vous a annoncé, Messieurs, que deux ouvriers charbonniers appartenant au Syndicat ont donné la mort au chef de bordée Monsieur Louis Dongé ?

Ø  Vous appréciez visiblement M. Durand ?

Ø  En tant que secrétaire de l’Union des Syndicats du Havre et de la Région, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le rôle de Monsieur Durand au sein du Syndicat des charbonniers ?

Ø  Etiez-vous présent lors du rassemblement au cours duquel Monsieur Durand a évoqué la « suppression » de Monsieur Louis Dongé ?

Ø  Quelle est pour vous l’interprétation des paroles de Monsieur Durand : « Il faut supprimer Dongé » ?

Ø  Avez-vous déjà relevé auparavant quelque plainte prononcées à l’encontre de Monsieur Durand au sein du Syndicat des charbonniers ?

Ø  Pensez-vous que Durand est capable de commanditer un meurtre ?

Merci M. Geeroms, vous pouvez disposer.

 

 

J’appelle à la barre M. Henry, commissaire.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Reconnaissez-vous, Monsieur Henry, avoir engagé et placé des « mouchards » au sein des rassemblements syndicaux présidés par Monsieur Durand ?

Ø  Etant commissaire et chef de sûreté du Havre, vous aviez donc accès à ces informations. Vos indicateurs vous ont-ils rapporté des paroles de M. Durand revendiquant la violence ? (réponse) L’idée de faire payer ceux qui ne participeraient pas à la grève ? (réponse) Ou enfin, un quelconque appel au meurtre de Louis Dongé ?

Ø  Monsieur Henry, vous connaissez Monsieur Durand personnellement, pouvez-vous nous dire quelques mots à son sujet ?

 

 

J’appelle à la barre M. Gaston Morel.

« Monsieur, vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Ø  Faites-vous parti, Monsieur Morel, du Syndicat des charbonniers du Havre ?

Ø  A quelle fréquence assistiez-vous aux réunions générales tenues par Monsieur Jules Durand ?

Ø  Avez-vous déjà entendu celui-ci proférer quelque menace, propos incitant à la violence, ou même promesse de mort durant ces assemblées ?

Ø  Saviez-vous personnellement que « supprimer Dongé » signifiait « l’exclure du syndicat » ?

Ø  Saviez-vous si Monsieur Durand avait un quelconque problème personnel avec M. Ducrot, agent général de la Compagnie Transatlantique du Havre ?

Merci M. Morel, vous pouvez disposer.

 

 

J’appelle à la barre l’expert psychologique.

Ø  Pouvez-vous nous présenter brièvement le rapport d’analyse psychologique du prévenu M. Jules Durand.

Ø  Avez-vous remarqué des incohérences entre le rapport psychologique de M. Durand et les faits qui lui sont reprochés ?

Ø  Pouvez-vous nous présenter le rapport d’analyse psychologique concernant la victime M. Louis Dongé ?

Merci Monsieur, vous pouvez disposer.

 

Messieurs les avocats de la partie civile, les avocats généraux et les avocats de la défense, avez-vous des questions à ajouter ?

 

 

-          Nous avons maintenant fini l’instruction. Je donne donc la parole à la partie civile.


-          La parole revient maintenant à Messieurs les avocats généraux.

 

-          Nous avons entendu vos réquisitions. La parole est à la défense. J’appelle Maître Coty et ses collaborateurs.


-          La parole revient aux accusés : M. Edmond Mathieu, avez-vous quelque chose à dire ?

                                                       M. Charles Lefrançois, avez-vous quelque chose à dire ?

La parole revient en dernier à M. Jules Durand. M. Durand, avez-vous quelque chose à dire ?

 

 

-          Avant que la Cour ne se retire, nous rappellerons l’article 353 du Code Pénal suivant :

La loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la Cour d'Assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction » ?

 

Je déclare donc l’audience de la Cour d’Assises de Seine Inférieure close. La Cour se retire pour délibérer.




Témoignage de la veuve Dongé

(Capucine Calonnec)

-Mme Dongé, votre mari était selon plusieurs sources « une brute alcoolique » et vous avait abandonnés, vous et vos enfants. Confirmez vous ces propos ?

 

-Mon mari buvait, c'est vrai. Cependant beaucoup de ses collègues étaient aussi des alcooliques. Il lui est peut être arrivé d'être une brute. Mais jamais il ne nous a abandonnés. Parfois il partait quelques temps mais son argent nous permettait toujours de vivre.

 

-Avez vous une idée de ce que pouvait faire votre mari seul sur les Quais ce soir là ?

 

-Je venais d'apprendre à mon mari que notre fille de 3 ans Madeleine, était malade et qu'elle avait sans doute la coqueluche. Louis a alors paniqué en se demandant comment nous pourrions la soigner et si nos deux autres filles allaient aussi tomber malade. Il est allé boire pour noyer ses préoccupations, on peut le comprendre quand on n’a aucun recours pour assurer une vie décente à sa famille.

 

-Votre mari s'était procuré un revolver qu'il avait exhibé le jour-même. L'aviez vous déjà vu en sa possession ou connaissiez vous l'existence de cet objet ?

 

-Je n'ai jamais vu de revolver, ni chez moi, ni dans les mains de mon mari. Et si il en avait en effet un, c'était sans doute pour se protéger, il n'aurait jamais fait de mal à personne.

 

-Étiez vous au courant que votre mari était un mouchard au sein du syndicat des charbonniers ?

 

-Louis travaillait pour faire vivre sa famille, il avait décidé de ne pas faire  grève car nous n'avions plus d'argent. Si quelqu'un qui fait vivre sa famille est appelé mouchard, c’est épouvantable. Je ne comprends pas ce qu'on lui reprochait. Il faisait ça pour nous, je ne sais pas pourquoi on a pu lui en vouloir...  Je ne comprends vraiment pas...


TÉMOIGNAGE de CAMILLE GEEROMS 

(Lou-Ha Delcher)

Confirmez-vous, monsieur Geeroms, avoir été présent, le lendemain du crime, chez monsieur le maire avec monsieur Durand lorsque celui-ci aurait appris les événements qui se sont déroulés la veille ?

 

Oui nous étions bien, Monsieur Durand et moi-même chez Monsieur le Maire lorsque nous avons appris la mort de Monsieur Louis Dongé.

 

 

 

Comment monsieur Durand a-t-il réagi quand on vous a annoncé, messieurs, la mort du chef de bordée Louis Dongé?

 

Il était effondré, il n’arrêtait pas de répéter « mais comment c'est possible, entre hommes de même classe sociale, qui connaissent la même galère.. Comment peut-il y avoir tant de haine entre camarades.. comment ont-ils pu ? »

Il avait fait tant d'efforts pour intégrer cet homme dans le syndicat des ouvriers- charbonniers, même si c'était vraiment une crapule ce Dongé, faut bien le dire.. Il l'avait défendu contre tous, malgré les propos insultants qu'il nous avait tenus lors d'une réunion syndicale. C'était d'ailleurs bien le seul à le défendre vu que tout le monde le détestait du fait qu'il ait renoncé à  faire grève… Mais Durand, lui seul , comprenait qu'il ne puisse pas se permettre de faire grève à cause de sa famille et respectait son choix, même si il n'était pas d'accord avec lui. Il est comme ça Durand, il respecte tout le monde, même si il pense différemment .

Donc vous pouvez comprendre qu'après tous les efforts qu'il avait fournis pour que tous les ouvriers-charbonniers s'entendent et se respectent, l'annonce du décès de Dongé l'ait bouleversé…

 

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le rôle de Monsieur Durand au sein du syndicat des ouvriers-charbonniers ?

 

Bien sûr. Durand est le secrétaire du Syndicat ouvrier des dockers-charbonniers du port du Havre. C'est à dire qu'il organise un peu tout. C'est lui qui organise les grèves par exemple, et il se charge d'aider  les ouvriers-charbonniers à obtenir de meilleures conditions de travail. Je dirais même des conditions de travail décentes, puisque celles qui sont en place actuellement ne conviennent pas du tout ! Et lui, il essaye d'arranger ça, les conditions de travail, les salaires, etc. Il fait tout pour que les ouvriers puissent bien travailler et avoir un salaire à la hauteur des efforts qu'ils fournissent.

D'ailleurs ça ne plaît pas vraiment aux patrons. Comprenez bien que quelqu'un qui est à la tête d'une énorme grève et qui est compétant et respecté par tous, est très gênant pour les patrons. Je dirais même qu'il est le responsable syndical à abattre pour les patrons. Et je pense qu'ils feraient tout pour le couler de façon à pouvoir ensuite reprendre tranquillement leur activité. Je pense sincèrement que tout ça est un coup monté des patrons de la Compagnie Générale Transatlantique.

 

 

 

Étiez-vous présent lors du rassemblement au cours duquel Monsieur Durand à évoqué la "suppression" de Louis Dongé ?

 

 

Oui, j'étais bel et bien présent lors de cette fameuse réunion.

Et oui, Durand a évoqué le fait de « supprimer Dongé », mais en aucun cas Durand n'a voulu dire « supprimer » dans le sens de tuer mais plutôt dans le sens de supprimer du syndicat, le renvoyer plus précisément .

Dongé ne respectait plus les règles du syndicat, ni les autres membres.

Il n'avait évidemment plus sa place parmi nous, on a donc pris la décision de le renvoyer. C'est pour ça qu'il a prononcé cette phrase ; et non pas pour convaincre les ouvriers-charbonniers de tuer leur camarade !

 

 

Pensez-vous que Durand est capable de commanditer un meurtre ?

 

Durand ? Mais point du tout ! C'est l'homme le plus sérieux, tolérant, et dévoué que j’ai jamais connu ! Il serait bien incapable de faire une tel acte.

D'autant plus sur un de ses camarades !

Ce ne serait pas logique.. Comment un homme si passionné par la cause des ouvriers du port aurait pu ordonner la mort de l'un d'entre eux ?

Il est tellement passionné par la cause ouvrière que malgré le fait qu'on lui ait proposé un travail moins éprouvant et mieux payé il décida tout de même de rester parmi ses camarades ouvriers-charbonniers.

Il ne passait même plus de temps avec son ancienne compagne qui, d'ailleurs l'a quitté car il se consacrait trop au syndicat.

Autre chose à quoi je pense subitement… Durand m’avait aussi confié sa passion de colombophile : il s'occupait de ses pigeons depuis tout petit… Voyez vous franchement un homme avoir la patience de s'occuper de volatiles et éprouvant tant d’amour pour ces p'tites bêtes  organiser la mort de quelqu'un ? En tout cas moi non.

Je vous le dis franchement, Durand je le connais bien et il serait bien incapable de faire ce dont on l’accuse ! Je le pense sincèrement innocent. En fait , j’irai même plus loin, j'en suis sûr !