I - Manifestations et actions à caractère syndical, politique et associatif : soutien à Jules Durand, protestation contre le verdict, exigence de justice, demande de mise en liberté, demande de révision du procès de Rouen…


Les rassemblements participent de la campagne de meetings et réunions publiques décidée et promue par les instances dirigeantes de la Confédération Générale du Travail (Comité Confédéral), du Parti Socialiste (Commission administrative) et de la Ligue des Droits de l’Homme, en France (Paris, banlieue, province), l’objectif étant la mobilisation de la classe ouvrière pour Durand. La CGT fait aussi appel à la solidarité et au soutien international des travailleurs.

L’appel à la défense de Durand passe également par une campagne de presse décidée et menée par le Parti Socialiste et la CGT (presse socialiste et ouvrière nationale et locale), la presse libertaire s’engage également dans l’affaire Durand.

La CGT complète les moyens de mobilisation par les cartes postales en faveur de Durand, à envoyer au Président de la République, aux députés…..

La protestation ouvrière passe aussi par des « ordres du jour de protestation », textes rédigés par des organisations et groupes de travailleurs. Le journal L’Humanité publie régulièrement les listes des organisations ayant émis ces ordres du jour de protestation.

 

A noter que la plus difficile mobilisation des « travailleurs de la pensée » et de « la bourgeoisie éclairée » est à l’initiative de la LDH, en référence à la mobilisation des intellectuels dans l’affaire Dreyfus (cf l’appel de Francis de Pressensé dans l’Humanité du 4 janvier 1911). Cet engagement prendra la forme de pétitions. C’est une dimension de l’affaire Durand qui reste à documenter et à étudier, et qu’il serait intéressant de comparer à l’engagement des intellectuels dans l’affaire Dreyfus.


I - 1 Meetings, réunions publiques, réunions des syndicats et de leurs fédérations

 

Les rassemblements de protestation et de soutien prennent la forme de grands meetings, de réunions publiques parfois dites « grandes réunions publiques » et de réunions de syndicats d’une même branche professionnelle. Dans tous ces rassemblements interviennent des responsables politiques, syndicaux ou associatifs et un ordre du jour (une motion) est toujours voté par l’assemblée en fin de rassemblement. Ces rassemblements sont organisés soit par la CGT, soit par le Parti Socialiste, soit par la Ligue des Droits de l’Homme.

 

·         3 décembre 1910 : 1e meeting organisé à Paris pour Durand : par l’Union des Syndicats de la Seine (CGT), grand meeting de protestation au Manège St Paul, 30 rue St Paul (4e). Intervenants : Yvetot, Savoie, Bled, Bourderon, Geeroms.

 

·         17 décembre 1910 : Fédération de la Seine du Parti Socialiste, grand meeting au Manège St Paul. Intervenants : Edouard Vaillant, Luquet, Marcel Sembat, Jean Jaurès, Fiancette. Salle comble, 6000 personnes.

 

·         23 décembre 1910 : Groupe des Jeunesses Socialistes révolutionnaires du 19e arrondissement, grand meeting SFIO, Grande salle Karcher (coin rue de la Chapelle et de la rue Ordener 18e, actuelle poste). 6 à 700 personnes.

 

·         5 janvier 1911 : SFIO 20e section, grand meeting, Grande salle de la Bellevilloise, 23 rue Boyer (20e)

 

·         5 janvier 1911 (jeudi) : CGT réunion Syndicats des ouvriers des PTT, Bourse du travail, 3 rue du Château d’eau (10e)

 

·         7 janvier 1911 (samedi) : CGT réunion Syndicat National des ouvriers et ouvrières en chaussures, Salle de Trois Pavillons, 39 rue Bolivar (19e)

 

·         7 janvier 1911 CGT Les ouvriers maréchaux réunis, Bourse du Travail, 3 rue du Château d’eau 10e            

 

·         7 janvier 1911 CGT : Les travailleurs de l’imprimerie, sous l’égide de la Fédération du Livre Manège St Paul 30 rue St Paul (4e)

 

·         7 janvier 1911 CGT : L’union des travailleurs sur métaux Salle de l’Egalitaire, 17 rue de Sambre et Meuse (10e).

 

·         8 janvier 1911 (dimanche) : CGT Réunion des terrassiers-puisatiers Salle Bullier 31 Avenue de l’Observatoire 5  en présence du secrétaire fédéral, 5000 participants.

 

·         8 janvier 1911(dimanche) : CGT Grand meeting des syndicats des maçons Bourse du travail 3 rue du Château d’eau 10e

 

·         11 janvier 1911 : SFIO 9e section, réunion publique, Préau des écoles, 15 rue Turgot (9e).

·         12 janvier 1911 (jeudi) : Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Fédération des sections parisiennes Grand meeting de protestation Salle des fêtes de la Bellevilloise 23 rue Boyer 20e. Un bon millier de travailleurs.

Orateurs : Ferdinand Buisson s’est excusé. Interviennent : Mr Paul Painlevé, membre de l’Institut, il regrette en termes éloquents l’abstention de beaucoup de ceux qui luttèrent avec lui, il y a 12 ans. Le citoyen Emile Kahn agrégé de l’Université, membre du Comité central de la LDH, supplie à nouveau les intellectuels de « payer la dette » qu’ils contractèrent il y 12 ans, envers les travailleurs. (cf l’Humanité 13 janvier 1911)

 

·         14 janvier 1911 : SFIO 5e section Groupe du Jardin des Plantes, réunion publique, Salle Antoine, 29 rue Geoffroy St Hilaire (5e)

 

·         21 janvier 1911 : SFIO 19e section, réunion publique, salle Ayel, 27 avenue Pont de Flandre (19e)

 

·         22 janvier 1911 : CGT Syndicat des cimentiers, salle des grèves Bourse du travail 3 rue du Château d’eau (10e)

 

·         27 janvier 1911 Syndicat des ouvriers ébénistes Grande réunion publique Salle de l’Université Populaire 157 Fbg St Antoine 4e Orateurs : de Pressensé, Lauche député, Savoie de l’Union des Syndicats de la Seine, Pierre Laval, avocat

 

·         28 janvier 1911 (samedi) : SFIO 7e section, grande réunion publique, salle Gatineau, 158 rue de Grenelle (7e)

 

·         4 février 1911 : CGT  Réunion des organisations du Livre au siège social de la Chambre syndicale typographique parisienne. Réunion extraordinaire des délégués des organisations similaires du livre (11 organisations représentées). Tous les délégués s’engagent à continuer l’action nécessaire pour Durand.

 

·         8 février 1911 (mercredi) : LDH Section de la Folie-Méricourt réunion publique, Salle du commerce 94 Fbg du Temple 11e    Orateurs : De Pressensé, le citoyen Lauche, le citoyen Allemane, ancien député du 11e, Luquet clôture. Un ordre du jour est voté.

 

·         11 février 1911 : Parti Socialiste « Sauvons Durand » très grand meeting organisé par la Fédération de la Seine au Manège St Paul.

« Le peuple ouvrier de Paris demande la libération de Durand. Grandiose manifestation socialiste, 6000 participants » L’Humanité du 12 février 1911 en fait le compte-rendu.

Dormoy, le secrétaire de la fédération lit la lettre d’Anatole France, président d’honneur, retenu chez lui par son mauvais état de santé. Marcel Sembat, député des Grandes Carrières préside.

Orateurs : Reboul, député socialiste de l’Hérault, Six e-Quenin, député socialiste d’Arles, Ringuier, député socialiste de St Quentin ; Aubriot député socialiste du 15è arrondissement, Francis de Pressensé, Arthur Rozier député socialiste du 19e arrondissement ; Marcel Sembat. Luquet est excusé, il est à Rouen, il attend la libération de Durand. Un ordre du jour est voté à l’unanimité des participants.

 

·         18 février 1911 (samedi) : CGT Union des Syndicats de la Seine Grand meeting après la libération de Durand, demande révision du procès, Manège St Paul 30 rue St Paul (4e).

« Durand, malade (a eu une crise hier soir, le médecin lui a prescrit un repos complet jusqu’à nouvel ordre), n’a pu le présider. Une foule immense était venue l’acclamer. » (L’Humanité

19 février 1911). Savoie préside. Orateurs : Geeroms, Griffuelhes, Marie, Péricard, Jouhaux. Un ordre du jour est voté (souhait rétablissement et pour la révision du procès).

 

 

A signaler que de nombreux policiers parisiens ont dans leur activité, eu à connaître de l’affaire Durand, car d’importantes forces (policiers municipaux et gardiens de la paix) sont mobilisées par le préfet de police Louis Lépine, autour des lieux de meetings.


I - 2 Réunions et décisions des instances dirigeantes de la CGT

 

Le Comité confédéral de la CGT (les 2 sections réunies, Section des Fédérations et Section des Bourses) se réunit pour prendre des décisions relatives à l’affaire Durand.

Il se réunit à la Maison des Fédérations, 33 rue de la Grange-aux-Belles (10e)

On peut citer :

- le 30 novembre 1910 à la suite du verdict de Rouen : décide d’un appel à diffuser par voie de presse et d’affiche, l’affiche est apposée sur les murs de Paris (l’Humanité du 1/12/1910). Le texte intitulé « Contre un assassin ! » dénonce le « sinistre Briand véritable responsable de ce jugement » appelle à la mobilisation « pour empêcher notre camarade Durand, de gravir les marches de l’échafaud ».

 

- le 13 décembre 1910 : rédaction d’une circulaire à toutes les organisations syndicales (signée de Jouhaux et de Yvetot les secrétaires du Comité confédéral) : appel à la mobilisation de tous les syndicats (l’Humanité 14/12/1910).

 

- le 18 décembre 1910 fait parvenir au Secrétariat International des Syndicats une circulaire appelant à une mobilisation internationale. La circulaire est diffusée par le secrétariat international. (l’Humanité 19/12/1910).

 

- le 28 décembre 1910 suite au rejet le 22 décembre, du pourvoi en cassation de JDurand, Manifeste du Comité confédéral « Pour Durand, nous voulons la révision », affiché le 31 décembre 1910 et le 1 janvier 1911 (« Ce qui a été possible pour le capitaine Dreyfus, doit l’être pour l’ouvrier Durand »).

 

- le 2 janvier 1911 suite à la commutation de la peine de mort. Publication d’un communiqué sur la poursuite de la mobilisation. Charge la Commission des grèves d’en définir les modalités.

 

- le 6 février 1911 Réunion extraordinaire du Comité confédéral en raison des nouvelles alarmantes sur la santé de Durand. Décision « d’intensifier l’agitation en rapprochant les dates des meetings qui dans plus de 60 villes devront avoir lieu du 15 au 25 du mois, le meeting de Paris est prévu le 25 février ». Communiqué du Comité confédéral reprenant ces décisions (l’Humanité 8 février 1911).

 

L’Union des syndicats de la Seine

La défense de Durand et la mobilisation syndicale sont souvent à l’ordre du jour des instances dirigeantes de l’Union des Syndicats de la Seine.

Les réunions du Secrétariat de l’Union ont lieu à la Bourse du Travail, 3 rue du Château d’eau (10e).

Le secrétariat décide des modalités de la mobilisation syndicale à Paris, il publie des appels, communique des informations sur l’affaire et la situation de Durand (par ex le 1e avril 1911, communication d’une note sur l’état de santé de Durand, «  admis à l’hôpital Pinel du Havre le 30 mars 1911 »). Documents signés des deux secrétaires, Auguste Savoie et Jean-Louis Thuillier, puis A Savoie et F Marie (avril 1911).

L’Union organise également la vente et l’expédition des cartes postales pour Durand, cartes qui sont en vente à la Bourse du Travail.

 

On peut noter que le Comité général de l’Union tient une réunion extraordinaire le 28 décembre 1910, pour prendre des décisions suite au rejet du recours de Durand devant la Cour de cassation, réunion au Restaurant coopératif, 49 rue de Bretagne (3e)


I - 3 Les décisions des instances dirigeantes du Parti Socialiste

Le 30 novembre 1910, la Commission administrative du Parti Socialiste vote un ordre du jour « Pour Durand », invitant toutes les fédérations à engager une énergique campagne de protestation.

 

La Fédération socialiste de la Seine est très active, tant le Conseil fédéral que la Commission exécutive. Ces instances décident des actions à mener et les organisent (particulièrement les meetings). 


I - 4 Les Conseillers prud’hommes ouvriers du département de la Seine

Au Tribunal de Commerce de Paris, 1 Quai de la Corse (4e) le 23 décembre 1910, protestation des Conseillers prud’hommes des produits chimiques, contre la condamnation de Durand.

 

Le 30 décembre 1910, les Conseillers prud’hommes ouvriers réunis à la Coopérative de la rue de Bretagne (3e), organisent leur manifestation devant l’Elysée du dimanche 1e janvier pour réclamer la grâce de Durand. L’Union des syndicats de la Seine appellent les ouvriers à venir soutenir en masse les conseillers devant l’Elysée.

En prévision de cette manifestation, sur instruction d’Aristide Briand, président du Conseil, le préfet de police Louis Lépine prévoit des dispositions les plus vigoureuses pour que l’ordre public ne soit pas troublé.

Cette manifestation est annulée à la suite de la décision du Président de la République le 31 décembre 1910, de commuer la peine de Durand.

Les conseillers prud’hommes ne vont pas à l’Elysée le 1e janvier 1911, mais insatisfaits de la décision de commutation, ils adressent ce même jour, une lettre au Président de la République (rendue publique) demandant la mise en liberté et la grâce complète.

La lettre est signée des 16 conseillers section des Métaux, des 18 du Bâtiment, des 16 des Tissus, des 14 des Produits chimiques et des 5 du Commerce.

 

 

Le Comité central électoral et de vigilance des conseillers prud’hommes ouvriers du département de la Seine réuni le 12 janvier 1911, en séance mensuelle à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’eau 10e, émet une protestation collective contre la condamnation de Durand.


I- 5 Les Francs-maçons

Le 29 décembre 1910, le Congrès des Loges de la région parisienne proteste contre la condamnation de Durand.

 

Le 30 décembre 1910, le Conseil de l’ordre du Grand Orient intervient auprès du Président de la République pour réclamer la grâce de Durand.

 

 

Le 1e février 1911, la loge « La Défense » tient une réunion spécialement consacrée à Durand dans la grande salle du Grand-Orient 16 rue Cadet (9e: demande de mise en liberté et de révision du procès.